Enjeux et méthodologies de la R&D Attlas
Interdépendance des choix technologiques et des finalités du projet Attlas
Le cadre R&D du développement des outils.
Cette interface de publication est basée sur un noyau actif : l'interface GaïaMundi de cartographie dynamique initialement développée par Cité Publique et augmentée dans le cadre d'un chantier de R&D sociotechnique conduit par l'Anact. Ce chantier de R&D s'inscrit dans le programme ATEON (Age Travail Emploi Observatoire National) mis en œuvre par l'Anact avec le soutien du FSE.
Engagée au printemps 2006, ce chantier de R&D Attlas arrive,
au printemps 2008, sur son volet technologique, au terme de sa phase de
production d'un démonstrateur. Le passage à une phase
dite d'industrialisation (de diffusion ou de déploiement)
nécessite encore de finaliser le volet "socio" de la
R&D socio-technique et d’approfondir les modes de scénarisation des données.
Cette finalisation est en cours à travers des
expérimentations en partenariat avec des branches
professionnelles, des acteurs engagés dans des dynamiques
territoriales, et à travers un cycle d'ateliers associant non
seulement les acteurs des chantiers d'expérimentation, mais
aussi des professionnels et des chercheurs ou encore des institutions
partenaires de l'Anact.
Il s’agit ici de remonter
aux fondements du projet Attlas dont les documents présentés sur ce
site (cartes commandées par un texte) ne sont qu’un aspect particulier.
Les
développements qui suivent reposent sur un postulat : on ne fait pas
plus de politiques publiques qu'on engendre des dynamiques d'action
impliquant des acteurs libres de leurs engagements sans considérer que
ces acteurs ont de bonnes raisons de faire ce qu’ils font et de penser
ce qu’ils pensent ; que ce qu’ils font et ce qu’ils pensent sont liés
et donc que déclencher des transformations de l’action passe par la
production de connaissances et de pensées avec eux.
Seront abordés successivement :
- Le démarche mise en oeuvre dans le projet Attlas,
- La nature et le format des publications sur ce site,
- Les enjeux technologiques et leur
intrication avec les enjeux méthodologiques d’une
démarche de partage de savoirs,
- Le
positionnement des outils Attlas dans une nouvelle généalogie de
dispositifs de mise en scène des savoirs et des connaissances,
- Les
finalités du projet et les partis pris méthodologiques adoptés pour le
projet Attlas (méthodologie de rapprochement de données, formes
collaboratives de travail, sémiologie et pédagogie),
- Le procédé de travail dans le rapprochement et la contextualisation de données.
Partons pour cela d'une rapide présentation de la démarche et des documents mis en ligne sur ce site.
Une configuration de travail en groupe ou sur un mode collaboratif à distance
Au delà de l’aspect démonstratif de la publication
sur la plate-forme "Gestion des âges" de l’Anact,
l’interface utilisée ici est avant tout
dédiée à la publication, en réseau Intranet
ou Internet selon le cas, des résultats partiels ou
définitifs de processus de travail conduits en groupe ou selon
des modes collaboratifs à distance (wiki).
En réalité, le procédé de travail en
groupe, ou sur un mode collaboratif, est au cœur du projet Attlas
de l'Anact. De tels processus de travail sont conduits, sous forme
d'ateliers, dans trois types de configurations qui peuvent se conjuguer
entre elles :
- Des groupes de professionnels de
l'intervention dans les territoires et les entreprises (notamment au
sein du réseau Anact),
- Des groupes d'acteurs sur un ou des territoires (partenaires sociaux, collectivités, professionnels intervenants...),
- Des acteurs de branches professionnelles (partenaires sociaux et leurs partenaires).
Une démarche
d'assistance à la problématisation sur le champ de la
relation âge travail emploi territoire
Les
outils mobilisés dans ces situations de travail (interface
d’élaboration de cartographie dynamique et hypertexte
collaboratif) ne sont pas des outils de description du réel qui
se suffisent à eux-mêmes, pas plus qu’ils ne sont
des outils de programmation des dispositifs.
Ainsi les cartes n'ont-elles pas vocation à être
diffusées en dehors de ces scènes de travail ou en dehors
des textes qui les relient entre elles et leur donne un sens
particulier.
En effet, au service des acteurs impliqués dans ces
configurations de travail, le projet Attlas se veut avant tout une
démarche d'appui à l'élaboration collective
d'analyses des situations territoriales à partir d'une
préoccupation donnée (en l'occurrence ici, la relation
âge travail emploi territoire). Autrement dit, Attlas est
avant tout une démarche d’assistance à la
problématisation.
Il s’agit de soutenir l'émergence "d'un sens commun"
qui facilitera la convergence de l'action des différents acteurs
impliqués.
Au cours de ces processus de travail, la lecture partagée des cartes doit permettre aux participants :
- De mettre en commun des savoirs empiriques, scientifiques, institutionnels ...
- De discuter les représentations activées par le contenu des données et par leur scénarisation,
- De susciter des questions qui conduisent à prolonger le travail par la recherche de nouvelles informations,
- Pour finalement déboucher sur la détermination de pistes pour l’action.
Un package d'outils
Cette démarche est soutenue par le
développement d’outils (cartographie dynamique, outil de
façonnage de données, éditeurs et wiki
collaboratif) rassemblés dans un package dont la présente
interface n'est que l'outil de publication.
L'interface de publication : les Mode hypertexte.

Dans l'interface présentée sur ce site, le texte de gauche comporte des boutons qui permettent d’activer
l’affichage de données sur un fond de carte.
Cependant la carte n’est pas qu’une simple illustration.
Elle peut être modifiée par l’internaute.
Les modifications peuvent :
- Soit servir à comprendre les relations entre les données, entre le territoire et les données,
- Soit servir à approfondir les questions abordées en comparant des situations.
Les documents présentés dans
cette interface sont qualifiés d'hypertextes car ils comportent
des fonctions actives différentes de textes classiques. Ces
fonctions sont bien des liens, à l'instar des hypertextes que
l'on trouve sur Internet et plus généralement en
informatique, et qui renvoient à la notion d'hypertexte comme
ensemble de connaissances reliées entre-elles par un ou des
schèmes. Mais les hypertextes présentés ici
se distinguent des hypertextes courants sur deux aspects :
- Le texte est ici indissociable d'un second objet : la carte et ses données associées,
- Cet objet associé, dynamique et interactif,
n'est pas textuel au sens littéraire du terme. Il recourre
à un langage de figures graphiques (cf.§ "parti pris
sémiologiques").
Scénarisation de données
La carte n'en est pas moins un
objet à lire, à interpréter et à commenter. De ce point de vue, comme
un texte, son interprétation appelle des savoirs exogènes au texte
lui-même (on dit alors que le textes ou le graphique est « indexé »
au sens du terme indexicalité étendu de la linguistique à des principes
sociaux plus généraux par certaines écoles sociologiques comme
l’éthnométhodologie), savoirs mobilisés par le « lecteur » (ici la
connaissance du terrain, les représentations sociales sur les thèmes
abordés, l’expérience...). Mais ces savoirs exogènes au contenu formel
des textes et cartes, ne sont pas livrés aux seuls registres
d'interprétation des "lecteurs" pas plus qu’ils ne sont la seule
expression du seul point de vue d’un auteur. Ils sont articulés entre eux
ou, tout au moins, liés entre eux par un schéma qui est précisément le scénario qui
organise la partie proprement textuelle de l'hypertexte ; de même
qu’ils sont liés entre eux par les cadres communs de représentation que
sont les cartes. On parle ainsi de mise en scène de données et de scenarii de rapprochement de données.
Cependant au delà de leur forme d'hypertexte publié sur un site, pour prendre la mesure de ces "mises en scène" et "scenarii" il faut les rapporter aux
situations de travail en groupe ou en mode collaboratif dont ils sont
issus ou auxquels ils sont dédiés. C'est à dire
qu'ils doivent être rapportés aux opérations de
rapprochement de point de vue, de changement de posture des
participants, de négociation et de recherche d'accord ... qui s'opèrent dans l'activité de partage de savoirs.
Dans cette mesure, l'idée de scénario ou de mise en
scène ne renvoie pas seulement à un mode de
présentation dédié à la
publication mais renvoie bien aussi à une dramaturgie de l'action dans la pratique du partage de savoirs, dramaturgie au sens du
courant sociologique de l’interactionnisme symbolique (Cf. en particulier
Goffman), à certains égards connexes à certaines approches de
l’éthnométhodologie et de l’éthologie.
Cette double dimension de la mise en
scène et du scénario, dans l'hypertexte et dans
l'activité de partage de savoirs en train de se faire, est
au coeur du processus de Recherche et Développement Attlas, et
en particulier de la conception d'outils et de méthodologie qui
visent à susciter cette activité de partage des savoirs,
appliquée ici au champ de la relation âge travail
emploi territoire.
Dans les développements qui suivent, après avoir
dégagé les enjeux de l'intrication entre technologie et
finalité du projet, on reviendra sur les aspects purement
méthodologiques sur lesquels repose la pratique de partage des
avoirs visée par la démarche Attlas.
Interdépendance des choix technologiques et des finalités du projet Attlas.
Options technologiques
L'interface GaïaMundi de cartographie dynamique est basée
sur une technologie Web.
Le parti pris de base est celui d'une technologique Client (c’est
à dire où l’ordinateur de l’internaute est
plus sollicité que le serveur distant),
basée sur un standard libre, stabilisé et évolutif
(le standard W3C). GaïaMundi est à l'origine diffusé
en licence libre GNU GPL, ce qui rend le projet compatible tant avec
les financements européens qui excluent toute
propriété exclusive des réalisations, qu’avec
un marché public de recherche et développement aux
contraintes similaires ; et oblige
à les verser au domaine public.
Outre l'intérêt d'être un outil multi plate-formes et
portable (c'est-à-dire qu'il fonctionne sans serveur sur un
ordinateur courant et donc facilement mobilisable dans
différents contextes de travail), ce parti pris d'une
technologie client repose sur une évaluation stratégique
des évolutions technologiques sur Internet, en particulier sur
le plan des technologies au standard W3C libre qui présentent
les meilleures garanties de stabilité des versions au fil
des évolutions, et qui sont en phase avec le parti pris de la
technologie Client par les grands navigateurs conformes au W3C (
FireFox Mozilla, toute la génération Gecko et plus
récemment Safari v3 pour Apple, et maintenant Windows - Cf. son Webkit open source).
Les langages utilisés dans le projet Attlas (noyau GaïaMundi) sont :
- Le javascript DHTML pour
l’ensemble, augmenté par le SVG pour la carte, et
le XML pour les architectures de métadonnées.
- Le "back office" (interfaces de saisie,
façonnage des données etc...) mobilise des
technologies serveur (php, ajax)
- L'administration générale
(permissions, sites dédiés, échanges de
données) et les fonctions collaboratives recourent aux
modes wiki (dans un premier temps une version originale du Wiki Waka)
puis, depuis 2008, le projet s'inscrit progressivement dans l'univers
technologique DocuWiki
Positionnement du projet dans les évolutions technologiques en cours
A l'origine du projet, il y avait un risque d'isolement
technologique du côté de la technologie d'affichage
graphique. La seule technologie de graphisme vectoriel libre
(nécessaire au dessin dynamique des cartes) et conforme au
standard W3C est en effet le SVG qui était en 2006 peu
développé du fait de la concurrence du standard
Flash . Bien que d'usage libre pour l'internaute, Flash est
néanmoins une technologie propriétaire, ce qui, comme on
le voit aujourd'hui avec Apple, ne manque pas d'imposer des contraintes
de licences lorsque les produits ont un succès industriel.
Aujourd'hui, non seulement certains sites institutionnels ont
adopté la technologie SVG (Cf. EuroStat) pour être en
phase avec l’esprit et la lettre des directives
européennes relatives au développement technologique
supporté par des acteurs publics, mais de plus, Apple
MacIntosh est en passe d'adopter la norme SVG comme norme industrielle
(sur Ipod et Iphone notamment). Il résulte de ces ajustements
que les navigateurs vont maintenant optimiser le traitement du SVG. Ces
évolutions vont aussi avoir pour effet que le monde des
"développeurs libres" autant que le monde du "breveté"
vont développer des bibliothèques de fonctions
graphiques de haute qualité qui n'existent pas encore
aujourd'hui dans cette technologie, une inexistence qui rendait le
développement dans cette technologie coûteux.
Déjà, après avoir intégré dans sa
version 2 le SVG comme technologie par défaut (sans pluggin),
dans sa version 3, l'interface de navigation Firefox de Mozilla, a
clairement opté pour une stratégie de
développement en technologie Client. L’interface graphique
de ce navigateur devient peu à peu un véritable
système graphique secondaire, ces nouvelles capacités
suscitant de nouveaux développements logiciels. La tendance est
la même avec Safari et son Webkit même si les
progrès en SVG sont moins sensibles sur la version 3.1
malgré de nets progrès.
Cette évolution de la version 3 de Firefox a ainsi permis de
diviser par 4 le temps d'exécution des fonctions de calcul et
d'affichage de GaïaMundi. Cette accélération devrait
encore être plus spectaculaire avec FireFox 4 qui contiendra un
compilateur javascript (de même pour Safari et son Webkit)
Ajouté à cela, le développement du SVG au niveau
industriel devrait permettre d'atteindre bientôt des performances
proches de celles de la technologie Flash (en plus léger).
Soulignons enfin que les dernières communications
officielles de Microsoft annoncent un navigateur en trois noyaux, les
deux premiers permettant une rétrocompatibilité, le
troisième devant respecter la dynamique actuelle du Web et
éventuellement le W3C.
Options technologies et innovation sociale
Cependant au delà de la dimension purement technique des
choix technologiques, le projet Attlas a d’emblée
été situé dans la perspective de
l’amplification des potentialités innovatrices du Web qui
sous-tendent les évolutions technologiques actuelles,
amplification visée en réalité par des
acteurs comme Mozilla, notamment en matière d’hypertextes,
de multimédia etc., c’est-à-dire dans toutes des
formes du Web qui recourent à la fois à des formes
graphiques animées, à des textes, à des
sons, et à des architectures textuelles non linéaires.
Reposant au départ sur la performance toujours croissante des
ordinateurs et des flux de réseaux, le parti pris du
développement des interfaces graphiques a conduit les
concepteurs à doter les navigateurs d’une très
grande capacité de calcul.
De manière corollaire, cette nouvelle puissance de calcul a
fourni des nouvelles potentialités de traitement de grandes
quantités de données, en temps court et à faible
coût.
Cette convergence entre la priorité graphique des technologies
et la capacité de calcul induite ouvrait dès lors la
possibilité de nouvelles applications ou interfaces dynamiques
qui innovent en matière de langage symbolique, de
sémiologie, en matière de scénarisation ;
ouvrant, dans le même mouvement, la voie à la
recherche de nouvelles formes de mise en scène des connaissances
et des savoirs.
A travers ces nouvelles formes de mises en scènes des
connaissances et des savoirs, ce sont avant tout les enjeux
d’accessibilité, de diffusion, de transfert et de
partage qui sont en question.
Attlas et la recherche de nouvelles formes de mise en scène des connaissances et des savoirs.
Attlas se situe précisément à la croisée de
ces enjeux, tant sur le plan des finalités (partage, transfert,
accessibilité) que par son objet concret : le rapprochement et
contextualisation de données sur le travail, l’âge
et l’emploi.
En effet, il s’agissait de penser à la fois :
- Les modalités pratiques et les
situations opportunes pour réaliser un travail de rapprochement
et de contextualisation de données dans des situations multi
acteurs, et ceci d’une manière qui contribue à
amplifier l’action concertée ou convergente sur le sujet
Age Travail et emploi.
- La capitalisation, le transfert et le
partage des ressources, des méthodes, des outils, mais aussi
des savoirs mis à jour ou élaborés par les acteurs
impliqués dans la démarche et /ou utilisateurs des outils
et méthodes développés dans le projet.
Ces axes de recherche et développement ont ainsi conduit à définir deux grands chantiers :
1 - Formaliser
des méthodologies de rapprochement de données
hétérogènes au plan statistiques (sources différentes, échantillonnages différents …), et les conditions et limites d’usage de ces méthodologies.
(Cf. § Utilités et principes sur
lesquels repose le rapprochement cartographique de données dans
le projet Attlas et qui ont orienté l’évolution du
noyau GaïaMundi).
Cependant, au delà des outils
techniques et des procédés de rapprochement de
données, et au delà de leurs fondements
théoriques, la méthodologie et la technologie sont ici
étroitement liées.
En effet, les propriétés dynamiques et interactives des
outils devaient soutenir des procédés et des processus
d’appropriation des données rapprochées reposant
autant que possible sur des approches intuitives et sur des pratiques
de raisonnement inductif et hypothético-inductif plutôt
qu’hypothético-déductif. Ceci :
- Non seulement parce que le mode de
raisonnement inductif semble plus propice à des
démarches de partage ; parce qu’il présente
moins d’effet de seuil liés aux pré-requis
nécessaires pour participer à un travail collectif de
réflexion et de production basé sur des données
quantitatives ;
- Mais aussi parce qu’il
semble permettre d’articuler plus facilement des registres
variés de savoirs mobilisés par les différents
acteurs. Il s’agissait en effet de privilégier des
pratiques de raisonnement qui puissent s’appuyer sur les
registres de l’expérience pour passer à des
registres de savoir distanciés et objectivés, construits,
mais en même temps socialisés et contextualisés
(dans les lieux communs du sens, dans les lieux de l’action).
Les modes inductifs et intuitifs semblaient
être en tout état de cause les plus en phase avec
l’objectif d’introduire des démarches
réflexives partagées dans le processus même de
l’action concertée de réseaux d’acteurs
hétérogènes intervenant dans des contextes
singuliers bien qu’en même temps sujets à
comparaison. Par
intuitif on entend ici les routines sociocognitives non individuelles
et utilisées au sens éthnométhodologique du terme
; susceptibles d’être explicitées et
débattues par les acteurs (accountability).
Ce point de vue a conduit à privilégier des choix en matière de :
- Pédagogie et logique d’animation,
- Sémiologie,
- Ergonomie et interactivité,
- Modalités pratiques de la mise
en scène des données (maillage des territoires, types
format des données, logique de la médiane et des
quantiles…)
Ces choix sont expliqués au § Géographie de la co-présence, sémiologie, et modalités de mise en scène.
2 - Formaliser des méthodologies
d’accessibilité, de diffusion et de transfert des savoirs
adaptées aux objectifs du projet.
Ici encore la méthodologie et la technologie sont
étroitement liées. Il s’agissait en effet que
les outils permettent non seulement des formes de travail collectif en
groupe, mais permettent aussi des formes collaboratives en
réseau à distance. Ceci :
- Non seulement pour une question
d’économie d’échelle dans le partage des
ressources (données, outils, méthodes …),
- Non seulement pour faciliter la
capitalisation, le transfert et l’appropriation de la
démarche et des outils par un nombre croissant d’acteurs ;
aucun acteur, Anact comprise, n’ayant la vocation ni la
capacité à en assurer seul la diffusion et le
développement,
- Mais aussi et surtout pour susciter des modes de cognition variés comme développé ci-dessous.
............
A la jonction de ces deux axes de Recherche
et Développement, compte tenu de leur intrication, et
à l’appui des potentialités que permettent
les technologies du Web actuel (réseau, hypertexte …), le
projet technologique d’Attlas repose ainsi sur une conception
extensive de la notion d’hypertexte. Cette conception est
articulée autour de trois idées :
1. L’hypertexte comme dispositif d’articulation entre sites et lieux :
- Sites au sens des points
d’entrée dans des réseaux d’échanges
et de capitalisation collective : les sites sont des sites Internet,
les entrepôts de données, des ressources Intranet, des
institutions,
- Les lieux sont tout autant les lieux -
moments (réunion de travail, rencontres entre partenaires
sociaux, ateliers dans un territoires, terrain et temps
d’activité des professionnels intervenant dans les
organisations, travail d’équipe dans une institution ou
une entreprise) que des lieux communs à investir, à la
fois réels et symboliques (partenariat social, territoire,
milieu professionnel, institutions …).
2. L’hypertexte comme un espace collaboratif multidimensionnel visant à :
- Dépasser la segmentation des
approches quantitatives et qualitatives, ou développer un usage
qualitatif des quantités,
- Affaiblir l’emprise des
hiérarchies de statut, de position et de savoirs sur les
démarches collectives de réflexion et de production, de
partage ou de formalisation de savoirs,
- Diversifier les modes d’articulation entre :
- d’une part, réflexivité et production de savoirs,
- et d’autre part, opérationnalité dans l’action.
On part ici de l’idée que le
passage de la problématisation à
l’opérationnalité dans l’action gagne en
pertinence et en acuité s’il s’opère par des
médiations de sens et d’expérience exogènes
au contexte qui détermine la posture des acteurs, et/ou
s’il s’opère en temps différé.
C’est à dire des médiations qui permettent de se
voir en train d’agir et de penser l’action.
La finalité d’une approche extensive de l’hypertexte
est ainsi de diversifier ces médiations (autres situations,
autres approches, autres interprétations, nouvelles
ressources…) et par là d’augmenter la
capacité des acteurs à agir sur leur environnement non
seulement sans subordonner systématiquement leurs
démarches réflexives aux contraintes des dispositifs
opérationnels préexistants (laisser place à une
logique d’innovation) mais plus généralement sans
les subordonner systématiquement à la rationalité
de l’action.
3. L’hypertexte comme dispositif de traduction
La multiplicité et
l’hétérogénéité des acteurs,
des rationalités, des finalités, des codes impliquent des
interprétations différentes et des soubresauts dans la
dynamique de décision.
Les processus de traduction apparaissent comme incontournables et opératoires dès lors que :
- L'on doit agir et décider
dans un monde incertain, multi-acteurs, multi-niveaux, où se
déploient des réseaux hybrides
- Les actants décisionnels ne se comprennent pas bien
- Sans travail de médiation
(cartographique en l’occurrence) entre codes
hétérogènes, l’incompréhension
demeure et la reproduction l’emporte sur la transformation et l’innovation.
.............
Ainsi dans l’approche qui sous-tend le
projet Attlas, l’hypertexte est compris comme un dispositif
dynamique qui articule à la fois des lieux et des sites, des
espaces et des moments, des pratiques collectives et des formes de
coopération en réseau, des savoirs
révélés dans l’action et des savoirs
construits ...
Dans cette conception, les objets technologiques sont des opérateurs de traductions (des
actants au sens de Callon et Latour et même, pour partie, au sens
de Berthelot dans le cadre de son schème sociologique actanciel), des « objets frontière » (Star
et Griesman et la double dynamique de constitution de l’objet
apréhendable par tous et du processus de production de
l’objet) au sens où ils suscitent des décalages
de posture pour des acteurs qui peuvent se retrouver sur les lieux
communs de sens.
Les échanges initiaux au sein du projet de recherche et développement parlaient par exemple : «
d’épaissir la frontière entre les catégories
de sens courant mobilisées par les acteurs,
l’épaisseur du trait de la frontière devenant
précisément le lieu commun où les acteurs se
retrouvent et regardent ensemble les mondes auxquels ils appartiennent
».
La technologie, pour cela, doit permettre l’intrication du virtuel
(c’est-à-dire, en réalité, de
l’inscription matérielle symbolique des signifiants) et
des pratiques réelles (c’est- à-dire ce que
l’on ne peut changer par simple souhait de considération).
De manière concrète, les outils doivent pouvoir
s’insérer dans les pratiques d’acteurs et ces
pratiques doivent pouvoir diffuser dans des réseaux (dont le Web).
Notons que cette conception extensive de l’hypertexte, et en
particulier les notions d’objet frontière et
d’interpénétration des modes virtuels et des
pratiques réelles, est l’une des constantes qui sous-tend
la conception de la plupart des outils développés dans le
cadre du programme ATEON de l’Anact : Attlas, Iliade,
enquête 10 000, outils démographique.
Géographie de la co-présence,
sémiologie,
modalités de mise en scène.
La méthodologie de rapprochement de données mise en œuvre dans Attlas repose sur quatre énoncés :
- La co-présence de
phénomènes sur un même territoire n’implique
pas nécessairement leur corrélation ; en revanche elle
participe à la constitution d’un contexte territorial,
- La relation de co-présence
n’est interprétable qu’au regard d’une
approche comparative entre les territoires,
- La confrontation de données
institutionnelles aux savoirs empiriques contribue à la
constitution d’un contexte de sens par la construction d’un
savoir partagé visant à orienter l’action collective,
- La carte comme médium
d’une situation réflexive repose plus sur une entente des
participants sur les relations entre les facteurs et leurs
évolutions que sur une entente sur les seuils.
En jouant des propriétés
dynamiques de la mise en scène cartographique des
données, on place le groupe de participants à un atelier
en situation de construire ensemble une lecture des agencements
significatifs entre phénomènes ou facteurs
représentés par les données.
La démarche proposée est délibérément inductive et constructiviste.
Cette démarche repose sur la stabilité de la carte comme lieu commun de sens.
La carte comme tableau (hyper tableau)
Le tableau comme lieu d'une activité de classification du réel
En réalité, la carte est un objet de la même
espèce qu’un tableau. On se réfère ici aux
travaux de l’anthropologue Jack Goody, qui a montré que
le tableau apparaît dans l’histoire de
l’écriture à la suite des listes descriptives,
comme une première entreprise de classification
systématique du réel. Après avoir pratiqué
des classements par listes en regroupant les noms d’objets par
catégories, le tableau est apparu comme schème de
classification supérieur en mettant en scène des
relations entre des catégories. Ce faisant, les premiers
praticiens de l’écriture découvraient un processus
de représentation du réel, par conséquent
détaché du réel lui-même, qui allait marquer
durablement nos manières de penser.
Une illustration du type de détachement du réel
attaché à la forme tableau est donnée par le fait
que dans cette pratique de classification, qui peut être
cohérente en elle-même, il peut arriver que les
croisements logiquement opérables dans le tableau ne
correspondent à aucune occurrence observable dans la
réalité.
Par exemple, si l’on a en colonne les classes d'objets contenants et en ligne des classes d’objets contenus telles qu’elles se donnent à voir dans la nature alentours, la relation vache-incluse-dans-pré trouve
une occurrence observable mais sa réciproque non. De la
même manière, les relations entre contenants et contenus
propores à un schème de classification
systématique peuvent ne pas avoir de sens pratique. Ainsi, alors
qu’on trouve bien des oiseaux-dans-les-arbres, en revanche il est peu probable d’observer même une seule fois un éléphant-dans-un-arbre.
La cohérence d’un tableau et son intelligibilité
réside dans le schème qui détermine la nature des
relations qu’il met en scène. Mais cette logique
d’abstraction présente un caractère transcendantal
qui peut être en contradiction avec une raison pratique et, pour
en faire un usage concret, il convient d’éprouver
le schème dans le champ concret de l’expérience.
Pour expliciter cette conception du schème et la distinction
schème concept, on peut emprunter à Deleuze dans son cours sur Kant du
4 avril 1978 cette définition : " Le schème de l'araignée c'est sa toile,
et sa toile c'est la manière dont elle occupe l'espace et le temps",
ce que, pour paraphraser l’auteur, le concept d’araignée ne suffit pas à décrire.
La vertu de la carte comme tableau
La vertu de la carte comme tableau est qu’elle fournit
d’emblée un schème commun, mais celui-ci
n’est pas explicite et le travail de rapprochement de
données a précisément pour objet de conduire le
groupe de participants à élaborer une appréhension
collective de ce schème.
De ce point de vue, les savoirs mobilisables par les participants au
groupe sont en principe égaux devant l’exercice. Il ne
s’agit pas en effet de proposer des explications, ni de
dégager des lois de causalité (ou des
corrélations), mais de dégager des significations
partagées des relations de co-présence de
phénomènes décrits par le rapprochement de
données, en s’attachant précisément à
comprendre les conditions, les circonstances et les implications de la
relation de co-présence.
L’effort d’analyse est porté sur
l’effectivité de la représentation du réel
par « l’hyper tableau » qu’est la carte.
L’effectivité de la représentation du réel
est ici accessible par l’analyse des relations : relation
entre facteurs et territoires, relations entre facteurs sur la trame
des territoires. Le procédé
d’appréhension mobilisé est alors celui de la
contextualisation, en mobilisant pour cela différents types de
savoirs : expérientiels, institutionnels, scientifiques …
et en procédant par comparaison avec les territoires
environnants.
La rigueur et sa fécondité
heuristique de ce type d'approche comparatiste tient au fait qu'elle
ne nécessite pas l’établissement d’une norme de
référence aux fondements souvent difficiles à étayer et rétive aux
opérations de falsification. Quant au plan de la pratique, en
situation de travail collectif, l'analyse comparative présente
l'avantage de la souplesse et contribue au dépassement des
blocages qui peuvent se manifester dans un groupe.
Ainsi, par exemple, si décrire le visage de quelqu’un est toujours une opération
complexe, en ravanche, dresser un portrait en s’aidant des ressemblances et
différences avec d’autres visages est plus accessible. On
peut s’accorder sur les grands traits du portrait et conserver des
points de vue différents sur des éléments plus fins.
Un tel processus d’analyse nécessite de s’affranchir
dans un premier temps des significations pré construites
: représentations sociales attachées à des
grandeurs symboliques (comme le taux de chômage par exemple), représentations sociales attachées aux positions sociales et aux interactions afférentes dans le groupe …),
De même qu’il est nécessaire de réincarner,
par des contenus sociaux, les grandeurs abstraites
représentées par les nombres, pour tenter de
comprendre comment les relations se distribuent sur la carte,
c’est-à-dire pour accéder à la dimension
sociale du schème et discuter l’effectivité de sa
représentation du réel.
En réalité il s’agit là d’un processus
de cognition complexe en ce sens qu’il s’opère dans
un constant aller retour entre l’abstraction
schématique et le plan de l’expérience. Tout
l’enjeu social et pédagogique de la conception de la
démarche a consisté à tenter des réduire
les effets inhibiteurs de cette complexité sans perdre en
contenu, ni en accessibilité, ni non plus en rigueur
méthodologique.
Aspects sémiologiques
Outre la méthodologie et les procédés
d’animation de tels groupes de travail, c’est avant tout
dans le recours à une sémiologie adaptée que
réside la possibilité de succès de ce type de
processus.
On se réfère pour cela à Jacques Bertin,
sociologue et géographe français, pour qui toute relation
entre quantités est représentable par des formes
graphiques explicites, et en particulier à son œuvre
théorique (notamment son ouvrage la « Graphie ») qui
formalise une théorie de la représentation
graphique des quantifiés statistiques et des relations entre
facteurs, en particulier dans la cartographie statistique (il a aussi
largement travaillé sur d’autres systèmes de
représentation plane comme l’analyse en réseau
etc.). Dans la même lignée, on se
réfère aussi à Cibois (d’ailleurs lui-même héritier fécond de Bertin), lui aussi sociologue, et
à son importante contribution théorique et pratique
à l’analyse de données.
Tout deux, nous conduisent à :
- construire
et penser des géographies propres des relations entre facteurs,
indépendamment des relations présupposées entre
ces facteurs et au delà de territorialités administratives
ou préconstruites,
(Repérer, par exemple,
que la situation d’un bassin d’emploi au regard du travail
et de la santé s’inscrit dans une aire géographique
de plus grande échelle, au delà des découpages
régionaux ou administratifs, et où les situations peuvent
présenter de réelles similitudes, qu’il s’agit
alors de décrypter pour caractériser la situation du
bassin d’emploi particulier auquel on s’intéresse).
Cet aspect à conduit à privilégier des
découpages territoriaux (maille) éloignés des
territoires administratifs : la zone d'emploi, et dans le cas
urbain l'Iris, qui sont des mailles d'étude conçues par
l'Insee.
- Développer
une sémiologie adaptée à la mise en scène
de différents types de schèmes,
Ainsi, par
exemple, en matière de colorisation des fonds de carte, on peut soit
chercher des représentations hiérarchiques (palette de couleur du
sombre au clair) qui tendent à opposer les extrêmes et à marquer les
polarisations et les gradients, soit privilégier des représentations
plutôt associatives (palettes de couleurs hétéroclites qui ont la
propriété de présenter les classes sans ordre hiérarchique et par
conséquent de privilégier les perceptions associatives des éléments
d’une même classes …). De la même manière, pour les graphiques
ponctuels projetés sur les cartes (les cercles induisent une perception
associative tandis que les barres ou les triangles induisent une
perception discrète …).
- Accéder
au sens de la configuration cartographique des relations non pas par
des hypothèses de causalité mais par l’étude
circonstanciée des marges et des discontinuités par
rapport à ce qui semble apparaître comme des effets
normatifs.
Si, par exemple, on observe sur une carte deux modalités de co-présence typiques dans la géographie :
- Forts effectifs de
salariés dans une branche professionnelle donnée et
faible fréquence d’accidents du travail,
- Faibles effectifs
salariés dans cette même branche et fréquence
élevée d’accidents du travail.
Plutôt que de postuler un loi
générale (ici on serait tenté de conclure que la
fréquence d’accidents est inversement proportionnelle
à la densité d’effectifs salariés dans les
territoires), et de lui chercher une explication de type causale ou
corrélative, on s’intéressera plutôt à
repérer les situations atypiques et à les contextualiser
(voir l’exemple en ligne sur la région Bourgogne).
On privilégie ainsi
l’étude des marges (en particulier leur connexité
géographique) pour caractériser les distributions par
leur conditions de co-présence. Le choix d'une approche par les marges n’exclue cependant pas
l’hypothèse d’une loi générale qui
devrait tenir compte des contextes. Ce choix ne prive pas non plus les
acteurs d'un accès aux conditions de validité d’une
telle loi puisque, si elle se confirmait, elle se déclinerait
dans des conditions situées qui sont elles-mêmes
déjà rendues accessibles par l’approche
contextualisée des relations et des marges.
Représenter
graphiquement les rapports de quantité dans des formes
graphiques qui facilitent l’appréhension des relations en
permettant une approche qualitative des rapports de quantités.
Médiane et quantiles
Pour soutenir cette logique d’analyse, et rester en
cohérence avec elle, en particulier pour susciter un
raisonnement sur les relations avant de revenir au grandeurs proprement
dites (valeurs et quantités représentées par les
nombres), comme on l'a évoqué plus haut, ce sont des classifications automatiques par classes
d’effectifs égaux qui ont été choisies (en
particulier la partition par la médiane et plus
généralement par les quantiles).
Interactivité et dynamisme des formes graphiques
Les outils de mise en scène cartographique ont été
développés pour maximiser ce type de raisonnement.
En
particulier, outre la sémiologie, ont été
introduites des fonctionnalités interactives aussi souples que
possibles pour "faire bouger la carte", permettant ainsi
aux participants de voir comment les phénomènes et
leurs relations se déploient dans la géographie (variation
des bornes des classes, passage d’une représentation
hiérarchique à une représentation non
hiérarchique, traçabilité des groupes de
territoires marqués par une relation pour étudier la
stabilité ou non de ces groupes au regard d’autres
phénomènes, permutabilité rapide des
données …). Autant de
fonctionnalités qu'il
n’aurait pas été possible de mettre en
œuvre de manière souple dans le contexte technologique
d’il y a seulement deux années en arrière.